Vendre son entreprise : cession du fonds de commerce ou cession des titres ?

Avocat droit des affaires et droit fiscal à Bordeaux

Que ce soit pour un départ à la retraite, ou pour exercer une nouvelle activité, plusieurs raisons peuvent pousser le dirigeant à vendre son entreprise.

Une fois la décision prise, il s’interroge, à juste titre, sur les modalités de cession de son activité, et plus précisément sur l’opportunité d’une vente de son fonds de commerce ou, au contraire, des titres de sa société.

La réponse en faveur de l’une ou l’autre de ces options n’est pas évidente et dépend des circonstances d’espèce.

En effet, la vente d’un fonds et la vente des titres d’une société emportent chacune des conséquences bien différentes, tant pour le vendeur, que pour l’acquéreur.

Ainsi, la vente des titres peut faciliter l’accompagnement de l’acquéreur lors de la reprise de l’entreprise du vendeur. En effet, une cession échelonnée des titres peut permettre un désengagement progressif du vendeur, à un rythme décidé d’un commun accord avec l’acquéreur.

En outre, contrairement à la cession de titres qui implique nécessairement la transmission à l’acquéreur de l’ensemble de dettes et obligations pesant sur la société, la transmission du fonds de commerce n’emporte que la transmission des actifs et contrats liés à l’exploitation de l’entreprise (bail, contrats de travail et d’assurance).

Le repreneur est donc certain qu’il ne pourra pas être poursuivi par des créanciers de la société à raison de dettes contractées avant la vente.

Par conséquent, et contrairement aux usages en matière de vente de titres, aucun contrat de garantie d’actif et de passif ne sera souscrit par le vendeur.

Il s’agit indéniablement d’un avantage, tant pour le repreneur, que pour l’acquéreur.

Pour le vendeur tout d’abord, qui ne prend aucun engagement d’indemnisation envers le vendeur dans la mesure où il ne transmet aucune dette. Il n’est donc pas contraint, comme cela est généralement le cas s’agissant de la vente de titres de société, d’immobiliser une partie du prix de vente du fonds.

Pour l’acquéreur, ensuite, qui est  certain de ne pas être poursuivi à raison de manquements antérieurs à la vente du fonds.  

Attention, toutefois, le vendeur doit avoir en tête qu’en cas de cession de son fonds, le prix de vente sera indisponible tant que durent les délais d’opposition et de solidarité fiscale, soit pendant environ 4 mois après la signature de l’acte de cession. A l’inverse, la vente de titre n’est soumise à aucun délai d’opposition.

Par ailleurs, la cession du fonds de commerce, contrairement à la cession de parts ou actions de sociétés, peut être soumise au droit de préemption de la commune. De même, en cas d’exercice d’une activité réglementée, la cession sera soumise à l’agrément des autorités concernées.

L’ensemble de ces formalités implique des délais supplémentaires qui doivent être intégrés dans le projet de cession de l’entreprise.

Enfin, la fiscalité afférente à la cession de fonds de commerce et à la cession de titres sociaux n’est pas la même, tant en matière de droits d’enregistrement que de plus-value.

  • Droits d’enregistrement applicables en cas de cession d’un fonds de commerce

Les cessions de fonds de commerce sont soumises aux droits d’enregistrement au taux de 3% pour la fraction comprise entre 23.000 et 107.000 euros, et au taux de 5% au-delà.

  • Droits d’enregistrement applicables en cas de cession de titres

Les cessions de droits sociaux emportent quant à elles la taxation de droits d’enregistrement au taux de 0,1% pour les cessions d’actions, au taux de 3% pour les cessions de parts sociales, et au taux de 5% pour les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière.

En tout état de cause, qu’il s’agisse d’une cession de titres, ou d’une cession d’un fonds de commerce, les droits d’enregistrement sont dus par l’acquéreur.

Le vendeur, n’est bien entendu pas en reste et devra s’acquitter de l’impôt sur la plus-value constatée à l’occasion de la vente.

  • Plus-value taxable en cas de vente d’un fonds de commerce

En cas de vente d’un fonds de commerce par une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value dégagée par la vente du fonds est taxée comme un résultat courant de la société selon le taux de droit commun (soit à 15 % dans la limite inférieure à 38.120 euros et 25 % au-delà de ce seuil).

Si le fonds vendu est exploité par une personne physique ou par une société relevant de l’impôt sur le revenu, la plus-value dégagée sur la cession sera ventilée en deux catégories.

Tout d’abord, la plus-value à court terme dont la taxation entre dans le résultat courant de l’entreprise. Ensuite,  la plus-value à long terme taxée au taux de 30 %.

Bien entendu, des régimes de faveur peuvent s’appliquer. Nous détaillons ci-après, trois régimes de faveur applicables en cas de vente de fonds de commerce par une personne physique ou par une société.

1. Article 151 septies du Code Général des Impôts (CGI)

L’article 151 septies du CGI permet une exonération totale de la plus-value générée par la vente du fonds de commerce lorsque le chiffre d’affaires réalisé au cours des deux dernières années est inférieur à 250.000 euros pour les entreprises industrielles et commerciales de vente ou fourniture de logements, à l’exception des locations meublées, et les exploitants agricoles (90.000 euros pour les prestataires de services) et une partielle lorsque le chiffres d’affaires réalisé au cours des deux dernières années est inférieur à 350.000 euros (126.000 euros pour les prestataires de services).

L’exonération joue tant sur l’impôt sur le revenu que sur les prélèvements sociaux.

Attention, seules les personnes physiques ou les sociétés relevant de l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier de ce dispositif d’exonération.

En outre, ce dispositif n’est applicable que si l’activité a été exercée pendant au moins 5 ans avant la vente.

2. Article 238 quindecies du CGI

Autre régime de faveur, l’article 238 quindecies du CGI qui permet une exonération totale de la plus-value lorsque le prix de vente est inférieur à 500.000 euros (l’exonération sera partielle lorsque le prix de vente est compris entre 500.000 et 1.000.000 d’euros).

Cette exonération joue tant sur l’impôt sur les revenus que sur les prélèvements sociaux, mais ne s’applique pas aux actifs immobiliers.

Elle s’applique que la vente soit réalisée par une personne physique ou par une société passible ou non d’impôt sur les sociétés.

C’est donc le seul régime d’exonération sur la vente de fonds de commerce susceptible de s’appliquer dans le cas d’une vente réalisée par une société passible de l’impôt sur les sociétés.

Enfin, on précisera que, là encore,l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans avant la vente.

3. Article 151 septies A du CGI

Enfin en application de l’article 151 septies A du CGI, le vendeur peut bénéficier d’une exonération sur la plus-value imposable lors de la cession de son fonds de commerce s’il fait valoir ses droits à retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, toutes conditions remplies par ailleurs.

Ce dernier régime n’est toutefois pas applicable aux sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés.  

Il suppose en outre, comme pour les deux régimes exposés ci-avant que l’activité ait été exercée pendant au moins 5 années.

Attention, en tout état de cause, si la société cède son fonds de commerce, les liquidités issues de la vente sont donc perçues par la société et non par son dirigeant.

Ainsi, la cession de fonds de commerce peut être intéressante lorsque le dirigeant à un projet de réinvestissement et que ce projet peut être directement réalisé par la société ayant vendu son fonds de commerce.

En revanche, si le dirigeant souhaite récupérer les liquidités issues de la vente de son fonds de commerce, la fiscalité sera plus lourde.

En effet, en pareil cas, il devra procéder à une distribution soumise au prélèvement forfaitaire global de 30 % (soit 12,8% au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux).

  • Plus-value taxable en cas de vente de droits sociaux

Lorsque le dirigeant souhaite vendre, non pas son fonds de commerce mais sa société, la vente sera soumise, sauf cas particulier, au régime des plus-values mobilières des particuliers.

Ainsi, le cédant sera soumis, sur la plus-value constatée lors de la cession, au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux global de 30% ou sur option, et pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, au barème progressif de l’impôt sur le revenu, après application d’un abattement pour durée de détention.

Sont ainsi applicables, un abattement dit de droit commun, et un abattement dit renforcé, applicable sous conditions.

En cas de vente réalisée dans le cadre du départ en retraite du dirigeant, un abattement fixe peut également être appliqué, sous conditions.

  • Abattements proportionnels applicables en cas de cession de titres

Ces abattements sont les suivants :

Régime de droit commun
Durée de détention des titresTaux de l’abattement
Entre 2 et 8 ans50 %
Depuis plus de 8 ans65 %
Abattement renforcé
Durée de détention des titresTaux de l’abattement
Entre 1 et 4 ans50 %
Entre 4 et 8 ans65 %
Depuis plus de 8 ans85 %

Attention, ces abattements ne jouent que pour l’impôt sur le revenu, à l’exception des prélèvements sociaux.

En outre, l’abattement renforcé suppose que plusieurs conditions soient remplies, tenant notamment à la société dont les titres sont cédés.

  • Abattement fixe applicable au dirigeant faisant valoir ses droits à retraite

Enfin, le dirigeant qui cède ses titres pour cause de départ à la retraite peut, en application des dispositions de l’article 150-0-D ter du CGI, bénéficier d’un abattement fixe de 500.000 euros, applicable, quelles que soient les modalités d’imposition choisies – PFU ou barème progressif de l’impôt sur le revenu (cet abattement n’est toutefois pas cumulable avec les abattements proportionnels détaillés ci-avant).

Pour pouvoir bénéficier de cet abattement fixe, le cédant doit faire valoir ses droits à retraite dans les 2 années précédant ou suivant la cession, ce délai étant porté à 3 années pour les dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 lorsque ce départ en retraite précède la cession.

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Le choix entre cession de titres et cession de fonds dépend donc des circonstances particulières de la vente, des projets du vendeur et de l’acquéreur, et des contraintes de chacun.

Pour le dirigeant qui vend son activité dans le cadre d’un départ en retraite, une cession des titres peut sembler peut avantageuse. Toutefois, s’il souhaite réinvestir tout ou partie du produit de la vente, par exemple, dans une activité immobilière, une cession du fonds peut être envisagée.

La vente de l’entreprise nécessite donc une préparation minutieuse, du côté du vendeur, comme de celui de l’acquéreur.

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